MILLÉNARISME

MILLÉNARISME
MILLÉNARISME

Le millénarisme (forme latine de ce qu’on appelle aussi, à partir du grec, chiliasme) est une des formes les plus importantes des doctrines et mouvements eschatologiques qui se sont développés au sein ou en marge de la plupart des religions et notamment du judéo-christianisme.

Si des tendances millénaristes se rencontrent dans le judaïsme ancien et l’Ancien Testament (le verset 4 du psaume LXXXIX: « Mille ans devant tes yeux sont comme le jour d’hier qui a passé » en est peut-être une préfiguration), le millénarisme chrétien proprement dit a sa source dans l’Apocalypse, XX, 1-15, et spécialement 4-6: « Puis je vis des trônes sur lesquels ils s’assirent, et on leur remit le jugement; et aussi les âmes de ceux qui furent décapités pour le témoignage de Jésus et la parole de Dieu, et tous ceux qui refusèrent d’adorer la Bête et son image, de se faire marquer sur le front ou sur la main; ils reprirent vie et régnèrent avec le Christ mille années – c’est la première résurrection. Les autres morts ne purent reprendre vie avant l’achèvement des mille années. Heureux et saint celui qui participe à la première résurrection. La seconde mort n’a point pouvoir sur eux, mais ils seront prêtres de Dieu et du Christ avec qui ils régneront mille années. »

Les idées millénaristes se rencontrent aussi dans les autres religions et particulièrement dans l’islam et dans le bouddhisme. L’islam a recueilli, d’une part, des héritages judaïque et chrétien, comme en témoigne la sourate XXII, 46-47 du Coran: « Un jour auprès d’Allah est comme mille années de celles que vous comptez » et, de l’autre, des traditions iraniennes et folkloriques: par exemple, celle de l’« imam caché », comparable à la légende de Frédéric Barberousse dans le Kyffhäuser. Des hérétiques, les duodécimains, et plus généralement les sh 稜ites, pensent que le douzième imam (chef de la prière), Mohammed A’boul-al-Kazin, disparu à l’âge de sept ans, n’est pas mort et reviendra restaurer la vraie religion musulmane. Ce même millénarisme – issu d’un fonds commun au judaïsme, au christianisme et à l’islam, et cristallisé autour d’une sorte de messie, le Mahdi (le « Bien dirigé »), qui doit venir instaurer sur terre un règne de la Paix avant le Jugement dernier – a inspiré un courant religieux et révolutionnaire musulman, le mahdisme, qui, depuis le Moyen Âge, a touché surtout le Maghreb et l’Afrique musulmane. Son incarnation la plus célèbre a été le mouvement dirigé au Soudan égyptien par le Mahdi Mohammed Ahmed et un groupe de derviches qui remporta des victoires spectaculaires sur les Anglais de 1881 à 1885. Ce mahdisme musulman s’est, par exemple, combiné à Java au tout début du XXe siècle avec des traditions eschatologiques du bouddhisme et de l’hindouisme pour inspirer le mouvement saministe.

Dans l’Occident chrétien, le millénarisme, après avoir connu une grande vitalité dans le judéo-christianisme et dans le christianisme des trois premiers siècles dominés par les perspectives eschatologiques, est devenu, depuis saint Augustin, suspect à l’orthodoxie chrétienne. Mais le millénarisme a été le moteur de nombreux mouvements hérétiques au Moyen Âge et de certains courants de la Réforme, tel l’anabaptisme. Plus ou moins confiné aux XVIIe et XVIIIe siècles dans certaines sectes, il a connu aux XIXe et XXe siècles un rebondissement spectaculaire dans divers mouvements de révolte des pays colonisés et des contrées du Tiers Monde. On le retrouve probablement un peu, mais le plus souvent sans ses attaches chrétiennes, dans l’idéologie hippie.

Son importance historique vient de la conjonction de croyances religieuses et d’aspirations sociales qu’il a fréquemment réalisées. Il a joué ainsi un rôle toujours contestataire et souvent révolutionnaire. On peut déceler des éléments millénaristes dans la plupart des révolutions, notamment dans la révolution anglaise du XVIIe siècle, mais même dans celles qui étaient a-religieuses ou anti-religieuses, comme la Révolution française et la révolution russe.

1. Contenu et potentialités

Des liens étroits unissent millénarisme et messianisme. Le millénarisme, attente d’un Royaume qui serait le Paradis retrouvé, se place souvent sous la direction d’un chef charismatique, un messie; ainsi, au Moyen Âge, Tanchelm, Fra Dolcino, François d’Assise pour certains franciscains « spirituels ». Mais il peut y avoir des millénarismes sans messie, celui des flagellants aux XIIIe et XIVe siècles, par exemple. D’autre part, si le millénarisme peut se développer dans toutes les religions, dans les « grandes » religions comme dans celles des peuples dits « primitifs », il n’existe en fait que chez les peuples qui connaissent les mythes du Paradis terrestre et, s’il s’y ajoute un messie, le mythe du « retour du héros culturel ».

Le millénarisme est l’attente d’un royaume de repos et de paix mais les millénaristes ont souvent recours à la violence pour hâter l’avènement du royaume. En effet, si le millénarisme « arrive » par lui-même et d’un coup, s’il n’a pas, en théorie, à être instauré, les millénaristes cherchent souvent à faciliter ou avancer sa venue par des actions révolutionnaires. Autre contradiction apparente: si le Royaume est situé dans l’avenir, il est en fait conçu comme le retour de l’âge d’or originel. Le millénarisme est presque toujours réactionnaire et révolutionnaire à la fois. Il comprend en général, quoique appelé à s’instaurer d’un seul coup, des phases préliminaires, qui sont surtout des épreuves, annoncées par des signes célestes et terrestres: comètes, météores, pluies de sang, famines, épidémies, tremblements de terre. Ces épreuves sont habituellement orchestrées par un antimessie, l’Antéchrist. L’ambiguïté de certaines de ces phases prémilléniales explique que des interprétations opposées aient été données d’un même personnage par des hommes soumis aux influences millénaristes mais appartenant à des clans ou à des partis antagonistes. Ainsi, l’empereur Frédéric II (mort en 1250) était considéré, par certains de ses contemporains, comme l’« Empereur des derniers jours » destiné à conduire l’humanité vers le millenium et, par d’autres, comme l’Antéchrist.

Le millenium, temps de paix et de bonheur, représentait aussi une société sans classes. Dans le monde lourdement et rigidement hiérarchisé du Moyen Âge, cette conception d’un millenium anarchiste, égalitaire, réalisant le thème folklorique d’un « monde à l’envers », avait un pouvoir révolutionnaire très fort. Plus encore, le millénarisme considérait en général que le millenium, royaume de « Purs », devait être préparé par les « parias de la société ». Au Moyen Âge, ces parias, en qui les millénaristes voyaient le sel de la terre et les instruments de l’eschatologie, étaient les pauvres. On le vit surtout dans les croisades, première entreprise millénariste par excellence, où les pauvres qui devaient s’emparer de Jérusalem pour y réaliser la Jérusalem nouvelle ont montré combien le millénarisme conduisait aisément au fanatisme et à la violence (pogroms de juifs, massacres de musulmans). Comme on l’a noté, les millénaristes « tendent à faire table rase du groupe des autres ».

Certains messianologues, pour réduire les contradictions apparentes du millénarisme, ont proposé de distinguer les « prémillénarismes », où le millenium est imposé et octroyé d’En-Haut, avant toute intervention humaine, et les « postmillénarismes », où le millenium arrive après une phase plus ou moins longue de préparation au cours de laquelle l’action humaine, celle en particulier d’un messie et d’un groupe de militants, joue un grand rôle. Mais cette distinction est rarement nette.

Enfin, le millénarisme, en particulier celui du Moyen Âge, s’est appuyé sur diverses traditions et sur certains textes bibliques pour se livrer à des calculs eschatologiques concernant notamment la date d’instauration du millenium: idées de la « cinquième monarchie » (d’après Daniel, II, 31-44), des « deux mille trois cents soirs et matins » de la profanation du sanctuaire (Daniel, IX, 24-27), des « septante semaines, sept semaines, soixante-deux semaines, une semaine, une demi-semaine » qui précèdent l’« abomination de la désolation » (Daniel, IX, 24-27), des « mille deux cent quatre-vingt-dix jours » de l’épreuve et des « mille trois cent trente-cinq jours » de l’endurance nécessaire (Daniel, XII, 11-12), des « cent quarante-quatre mille » du rassemblement millénial (Apocalypse, VII, 1-4), de « six cent soixante-six, chiffre de la Bête, chiffre d’homme » (Apocalypse, XIII, 1-18).

2. Les grands moments du millénarisme chrétien

Du christianisme primitif au Moyen Âge occidental

Le millénarisme, très vivace dans le christianisme des premiers siècles, était professé aussi bien par des « orthodoxes », tels Irénée de Lyon à la fin du IIe siècle et Hippolyte de Rome au début du IIIe siècle, que par des « hérétiques » comme les montanistes, d’origine phrygienne, et, déjà à la fin du Ier siècle, par certains gnostiques (Cérinthe). Au début du IIIe siècle, le millénarisme asiate touche des chrétiens africains comme Tertullien. Au début du IVe siècle encore, Lactance place le millenium parmi les attraits du christianisme. Mais un courant antimillénariste se dessinait au sein du christianisme. Il fut d’abord inspiré par le discrédit d’une conception trop terrestre et matérielle de l’idéal chrétien, puis par la crainte ressentie devant les tendances hérétiques et révolutionnaires des mouvements millénaristes. Origène, au IIIe siècle, transporta le millenium de la société terrestre dans l’âme individuelle. Après des hésitations, Augustin, au début du Ve siècle, interpréta le millénarisme comme une allégorie spirituelle (Cité de Dieu , XX, VII), et le poids de son autorité au Moyen Âge fut une arme essentielle contre les millénaristes. En 431, le concile d’Éphèse condamna la conception littérale du millenium. Désormais l’Église insistera sur la parousie, le Jugement dernier, le second millenium, le millenium céleste.

Pendant le Moyen Âge, l’antithèse qui oppose Rome, tête du paganisme, ville de la Bête (à l’instar de Babylone), et Jérusalem, lieu de l’Incarnation appelé à redevenir, en Terre sainte ou ailleurs, la capitale du Royaume, change de sens. Rome, c’est l’Église matérielle qui doit être et sera détruite; Jérusalem, c’est l’Église spirituelle qu’il faut instaurer. Ainsi le millénarisme médiéval ne sera pas seulement entraîné fatalement vers l’hérésie ; il sera aussi naturellement antiromain, antipontifical, anticatholique. Il ne reprit de l’importance qu’à partir du moment où, vers l’an mille, la contestation religieuse s’unit à la protestation sociale face à un monde en plein développement économique qui s’installait de plus en plus dans des structures d’inégalité et de hiérarchie. Il fut un des aspects de la critique et de la lutte contre l’ordre féodal.

Le millénarisme groupait des troupes hétéroclites de fidèles où dominaient les pauvres, les déracinés, où les femmes étaient nombreuses autour d’une sorte de prophète, monarque qui prêchait le refus du monde (et souvent de formes précises d’exploitation, tel le versement de la dîme), la préparation de la destruction de la société – et d’abord de la société ecclésiastique –, l’attente d’un monde d’égalité et de communauté. Tels furent Tanchelm dans le diocèse d’Utrecht, et plus particulièrement à Anvers (entre 1110 et 1115); Eudes de l’Étoile (autre nom d’Éon de l’Étoile) dans l’ouest de la France, entre 1140 et 1150; un ermite mendiant qui se fit passer pour l’empereur Baudouin de Constantinople en Flandre et Hainaut en 1224-1225; le Maître de Hongrie qui, en 1251, fut le chef, en France, du mouvement des « pastoureaux ». Dans tous les cas, la répression du pouvoir ecclésiastique et du pouvoir laïc s’abattit sur ces mouvements; les chefs furent exécutés et leurs « églises » éphémères se désagrégèrent.

À partir de la fin du XIe siècle, les courants millénaristes furent particulièrement forts au sein de la croisade: ainsi dans la première croisade, la « croisade des pauvres » de Pierre l’Ermite et Gautier Sans Avoir, qui fut prolongée par le mouvement des Tafurs (conduit par le « Roi Tafur ») et par les pogroms d’Enrico (Emerich de Leiningen) et de ses compagnons mis en déroute par les Hongrois, et qui réapparut sous une forme plus épurée avec la « croisade des enfants » (croisade de pauvres) en 1212, et sous une forme plus violente avec les pastoureaux en 1251.

À partir du début du XIIIe siècle, l’idéologie millénariste fut relancée par la diffusion des écrits de l’abbé cistercien calabrais Joachim de Flore et surtout de son Exposition sur l’Apocalypse. Selon lui, le millenium ou troisième âge, qui devait être l’âge de l’Esprit et succéder à l’âge du Père (Ancien Testament) et à l’âge du Fils (Nouveau Testament), était proche. Venant au bout de quarante-deux générations, il devait être instauré en 1260 (42 憐 30), après une période de calamités (d’où les interprétations millénaristes de la lutte entre l’empereur Frédéric II et la papauté dans la première moitié du siècle), et amener la disparition de l’Église de Rome, qui céderait la place à une Église spirituelle, sur le modèle monastique. La diffusion des idées joachimites fut surtout assurée par des franciscains extrémistes souvent désignés par le terme de « spirituels ». Un des plus importants fut le Languedocien Pierre Jean Olivi (ou Olieu), qui, la date fatidique de 1260 étant passée, reprit, vers 1295, les conceptions de Joachim de Flore dans sa Lectura super Apocalypsim , appelée couramment Postilla. En 1260, l’effervescence se manifesta par des pèlerinages d’hommes qui se flagellaient en public. Ces flagellants, dont le mouvement, parti de Pérouse, gagna l’Europe centrale, ont été présentés par Norman Cohn comme « une élite de rédempteurs sacrificiels ». Ils réapparurent après la Grande Peste de 1348. Parmi les mouvements millénaristes issus de l’ébranlement de 1260, celui des « apostoliques » de Gérard Segarelli de Parme (brûlé dans cette ville en 1300) et de Fra Dolcino de Novare (brûlé à Verceil en 1307), dans l’Italie du Nord, a spécialement retenu l’attention des historiens et des idéologues par ses pratiques (abolition de la propriété et du mariage, agitation urbaine et maquis paysan). K. Kautsky l’a considéré comme le premier soulèvement communiste de l’Occident.

Le millénarisme se retrouva dans les mouvements hérétiques du bas Moyen Âge, notamment chez certains adeptes du hussitisme, les Taborites qui, dirigés par face="EU Caron" ォi face="EU Caron" ゼka, tentèrent vers 1420 de faire de Plz face="EU Caron" ゴ (Pilsen) la nouvelle Jérusalem, la « Cité du Soleil », où serait réalisée l’égalité religieuse, sociale et politique.

De la Réforme à l’époque contemporaine

Il est plus difficile de suivre le millénarisme après le Moyen Âge. Il fut actif dans certains mouvements de la Réforme protestante, au XVIe siècle, notamment chez les anabaptistes. Le plus typique fut sans doute celui de Thomas Münzer ; ce dernier se sépara de Luther pour rejoindre les paysans allemands révoltés dont il rédigea la charte en 1525. K. Mannheim voit en lui « un maillon décisif entre le chiliasme mystique du Moyen Âge et l’esprit révolutionnaire du XIXe siècle »; et Engels, qui l’appelle « prophète de la Révolution », a écrit que pour lui « le royaume de Dieu n’était pas autre chose qu’une société où il n’y aurait plus aucune différence de classe, aucune propriété privée, aucun pouvoir de coercition indépendant des membres de la société ». À Münster, en Westphalie, en 1535, se réalisa pour quelques mois le royaume de la Nouvelle Jérusalem, « la plus célèbre expérience de communisme religieux et sexuel dans l’histoire de l’Occident ». Dans le cadre de la révolution anglaise du XVIIe siècle, les Levellers (Niveleurs) furent les premiers à identifier explicitement la révolution sociale et le millenium. Marx et Engels ont, pour cette raison, considéré leur mouvement comme « une affabulation religieuse de la première révolution prolétarienne en Occident ».

Dans l’Europe et dans l’Amérique du Nord du XIXe siècle, le millénarisme inspire de nombreuses sectes, des écoles ou courants du socialisme utopique (comme le saint-simonisme et le fouriérisme), et surtout certains mouvements de « rebelles primitifs », qui refusent totalement le monde présent, attendent un monde meilleur de type « chiliastique », mais n’ont aucune idée claire des processus de passage de l’un à l’autre. Ainsi en est-il des groupes animés en Toscane entre 1860 et 1878 par David Lazzaretti, paysan, ermite et voyant, qui, allant d’une congrégation de type franciscain primitif à une sorte de tiers ordre, constituent « une société communiste de travail et de consommation ». Au XXe siècle, le millénarisme inspire des sectes groupant parfois plusieurs millions de croyants, surtout dans les pays développés et notamment chez les Anglo-Saxons. Il va d’une réforme purement morale s’accommodant très bien de la société capitaliste (adventistes du septième jour, témoins de Jéhovah) à une contestation globale de la société de consommation (hippies). Mais le phénomène le plus intéressant est celui qui, tout à l’opposé, a animé au XIXe et au XXe siècle des courants de résistance passive ou violente à l’exploitation colonialiste directe ou indirecte dans les pays du Tiers Monde. Ainsi, avec les « cultes du cargo » en Océanie, la population locale attend l’arrivée de cargos chargés de richesses qu’elle se partagerait au sein d’un millenium redonnant vigueur au culte des ancêtres et aux religions traditionnelles. De même, les mouvements messianiques des paysans et des Indiens d’Amérique du Sud, surtout au Brésil, combinent le millénarisme chrétien avec la lutte contre l’exploitation des grands propriétaires blancs et métis en prenant la forme du brigandage ou de la guérilla.

Les mouvements millénaristes constituent sans doute un terrain privilégié pour la psychanalyse collective (ainsi N. Cohn a-t-il décrit le millénarisme médiéval comme la lutte des bons pères et des bons fils contre les mauvais pères et les mauvais fils) ou pour l’ethnopsychiatrie (G. Devereux a vu, par exemple, dans l’habitude qu’ont certains adeptes des cultes du cargo de détruire toutes les ressources existantes pour anticiper la période de joie et d’abondance, une expression typique du « chantage masochiste »). Cohn a de son côté diagnostiqué les symptômes de la paranoïa dans les mythes et les personnages millénaristes. Ces mouvements sont, d’autre part, la préfiguration mythique d’un besoin humain de domestication de l’avenir, besoin qui cherche aujourd’hui à se constituer en une science, la futurologie.

Enfin, le problème de la laïcisation se pose à propos du millénarisme; ainsi E. L. Tuveson estime que toutes les idéologies du progrès sont des millénarismes désacralisés et exténués.

millénarisme [ milenarism ] n. m.
• 1840; du lat. millenarius
Relig. Doctrine du millénium. Le « millénarisme en vogue qui nous vaut de si fanatiques bigoteries sur le désastre imminent » (Schwartzenberg et Viansson-Ponté).

millénarisme nom masculin Ensemble de croyances à un règne terrestre eschatologique du Messie et de ses élus, censé devoir durer mille ans. (Très développée dans le christianisme ancien, la théorie millénariste a reparu à plusieurs reprises dans l'Église catholique ; avec Joachim de Flore, les « spirituels » franciscains, et dans des courants issus de la Réforme : mormons, adventistes, darbystes.) Mouvement religieux analogue au messianisme, mais qui s'en distingue en ce qu'il repose sur la croyance en l'avènement d'un règne ou d'un royaume nouveau, conçu comme un retour aux conditions existant à l'origine des temps. Mouvement ou système de pensée contestant l'ordre social et politique existant, réputé décadent et perverti, et attendant une rédemption collective en se référant à une croyance en un paradis perdu ou au retour d'un homme charismatique.

millénarisme
n. m. RELIG Croyance en un règne messianique destiné à durer mille ans.

⇒MILLÉNARISME, subst. masc.
RELIG. Croyance selon laquelle le Messie régnera sur terre pendant mille ans avant le jugement dernier. Pendant les mille ans du Grand Sabbat, Jésus, aidé de son peuple, triomphera des Gentils, et les amènera à reconnaître son règne (...). Telle était évidemment la doctrine de Cérinthe, comme on peut l'apercevoir dans les débris qui nous en restent. Mais le Millénarisme en lui-même était si peu une opinion particulière de Cérinthe, qu'on le retrouve très-positivement dans l'Apocalypse (P. LEROUX, Humanité, t.2, 1840, p.716). Saint-Jérôme (...) a conscience d'être dans le vrai en se tenant entre deux excès opposés, le millénarisme judaïque et charnel et l'hérésie qui nie la résurrection des corps (Bible 1912).
Prononc. et Orth.: [mil(l)]. Att. ds Ac. 1878. Étymol. et Hist. 1840 (P. LEROUX, loc. cit.). Dér. de millénaire; suff. -isme.
DÉR. Millénariste, subst. et adj., relig. a) Subst. Personne qui adhère au millénarisme. Synon. vieilli millénaire (v. millénaire2). Le passage classique du N. T. dont se sont inspirés les millénaristes est Apoc., XX, 1-6 (Bible Suppl. t.5 1957). b) Adj. Relatif au millénarisme, qui lui est propre. Idées, théories millénaristes. L'espérance du royaume (...) est restée vivante (...) dans des sectes (...) qui ont repris à leur compte tous les rêves millénaristes (Univers écon. et soc., 1960, p.66-2). [mil(l)]. 1re attest. 1877 (DARM., p.213); de millénarisme, par substitution de -iste à -isme.

millénarisme [mi(l)lenaʀism] n. m.
ÉTYM. 1840, Académie; du lat. millenarius, et -isme.
Didact. Mouvement religieux de type nativiste caractérisé par une réinterprétation du concept chrétien de millénium ou par la découverte indépendante d'une notion semblable.
0 Les études que j'ai pu faire sur Joachim de Flore, le millénarisme et la place du Saint-Esprit dans la théologie orthodoxe avec l'aide d'Olivier Clément, professeur de théologie orthodoxe à l'institut Saint-Serge, m'ont passionné et enrichi, mais n'ont pas trouvé le prolongement romanesque que j'espérais.
M. Tournier, le Vent Paraclet, p. 253.
Par anal. || Millénarisme politique, syndical, croyance en une brusque mutation, analogue au millénium.
DÉR. Millénariste.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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